Essai, 180 pages
Éditions L'Harmattan, 1991.
Le Connaisseur, le Technicien, le Théoricien. Voilà trois figures intellectuelles qu'il est traditionnel d'opposer. Par exemple, on évoque la rivalité entre le « littéraire » et le « scientifique », ou l'hostilité entre l'humaniste et le chercheur. Pourtant, malgré l'apparente diversité de leurs démarches, une même volonté sous-jacente structure ces trois figures, et leur donne une ressemblance essentielle : un commun déni du doute. Le Connaisseur, le Technicien, le Théoricien partagent en effet une croyance fondamentale, celle que le savoir à la construction duquel ils participent repose sur des fondements qui ne peuvent ni ne doivent être mis en doute ; il les garantit donc contre tout risque d'« errance », c'est-à-dire le risque de n'être pas maîtres du sens de leur action sur le monde.
La plupart des intellectuels éprouvent ce désir d'être protégés contre l'« errance ». Ils en conjurent l'inquiétude en adoptant une attitude inspirée de l'une des trois figures ci-dessus. Mais ne devraient-ils pas, au contraire, aspirer à faire cohabiter en eux aussi bien le savoir du Connaisseur, du Technicien ou du Théoricien, que la propre remise en question de ce savoir ?